Quel était le taux d’usure en 2023 et quelle prévision pour 2024 ?
Tordons le cou à une rumeur qui a la vie dure : le taux d'usure ne fait pas augmenter les taux d'intérêt des crédits immobiliers.
En réalité, le taux d'usure augmente parce qu'il est calculé à partir des taux effectifs moyens pratiqués par les sociétés de financement et les établissements de crédit. Or ces taux effectifs moyens augmentent. En effet, les taux pratiqués par ces établissements prêteurs dépendent aussi de la politique de la Banque centrale européenne (BCE). Cette institution régule les taux applicables par les établissements prêteurs de la zone euro avec ses taux directeurs, lesquels impactent les taux des crédits des établissements prêteurs.
Par conséquent, cela pénalise beaucoup d'emprunteurs, car les mensualités pour bénéficier d'un crédit augmentent, et ils atteignent plus rapidement le niveau d'endettement maximal autorisé (en France, ce niveau est de 35 % maximum de leur capacité financière). Un phénomène qui ne touche plus uniquement les emprunteurs aux revenus modestes, dont les demandes de crédit se soldent par un refus systématique des établissements prêteurs : en juillet 2023, un Français sur deux ne pouvait plus emprunter, car leurs dossiers emprunteurs dépassaient le seuil des 35 % d'endettement.
En 2023, le nombre de prêts immobiliers accordés a ainsi chuté de 40,3 %.
Analysons en détail le taux d'usure applicable aux crédits immobiliers actuels, pour un montant d'emprunt supérieur à 75 000 euros.
Si on compare le taux d'usure applicable au mois de janvier 2024 et le taux effectif moyen pratiqué durant les 3 mois avant le 1er janvier 2024, voici les résultats communiqués par la Banque de France :
- 4,53 % pour les crédits d'une durée inférieure à 10 ans, contre 3,40 % avant janvier 2024.
- 6,01 % pour les crédits d'une durée comprise entre 10 ans et moins de 20 ans, contre 4,51 % avant janvier 2024.
- 6,29 % pour les crédits d'une durée de plus de 20 ans ou plus, contre 4,72 % avant janvier 2024.
Comment expliquer cette hausse spectaculaire, qui plus est sur une période relativement courte ?
Plusieurs facteurs expliquent ces chiffres.
Les taux directeurs de la BCE impactent donc les taux d'intérêt des crédits immobiliers proposés par les établissements de crédit. Et par ricochet, le taux d'usure.
Or, en 2023, la BCE a augmenté brutalement ses taux d'intérêt, afin de les ajuster à la forte inflation d'alors. Et si, depuis fin 2023-début 2024, l'inflation commence à baisser, la BCE maintient pourtant des taux directeurs très élevés.
Toutefois, Eric Heyer, directeur de l’Observatoire Français des Conjonctures Economiques (OFCE), estimait en octobre 2023 que la baisse des taux des prêts immobiliers interviendrait dès que l'inflation reviendrait à un niveau de 2 %.
Selon certains analystes, en cas de récession économique, la BCE pourrait également diminuer ses taux directeurs.
Les taux d'intérêt des crédits immobiliers sont également déterminés en fonction des OAT (Obligations Assimilables du Trésor) sur 10 ans émises par l'État français. Ces obligations permettent à l'État d'emprunter sur les marchés financiers.
Or, les établissements prêteurs fixent leurs taux d'intérêt en fonction des OAT sur 10 ans. Si le taux de ces dernières augmente, les taux d'intérêt des crédits immobiliers suivront la même tendance. Or, à l'instar des taux directeurs de la BCE, les taux des OAT sur 10 ans ont augmenté en 2023.
Malgré cette conjoncture, en janvier 2024, les taux d'emprunt commencent à baisser. Par exemple, les crédits immobiliers d'une durée de 20 et 25 ans passent à 4,05 % et 4,2 %, alors qu'ils étaient à 4,35 et 4,50 % en novembre 2023.
La raison est simple : les taux d'usure sur les prêts immobiliers sont si élevés (particulièrement celui sur une durée de 20 ans) que les banques peuvent à nouveau octroyer des crédits immobiliers, tout en réalisant à nouveau des profits plus significatifs qu'il y a quelques mois.
Toutefois, un autre problème subsiste : malgré une légère baisse depuis début 2024, les taux d'emprunt des crédits immobiliers restent élevés. Or, dans le même temps, les prix de l'immobilier sont également élevés, et n'ont connu qu'une baisse relativement symbolique en 2023 (- 3 % maximum).
Par conséquent, actuellement, la baisse des taux d'emprunt des prêts immobiliers profite surtout aux emprunteurs à hauts revenus et/ou avec un apport conséquent.
Une conjoncture que modifiera peut-être partiellement la réforme du prêt à taux zéro (PTZ) : le montant maximum emprunté passe à 100 000 euros en avril 2024, tandis que la liste des zones éligibles au PTZ s'agrandit.
Enfin, si la BCE n'a pas modifié ses taux le 25 janvier 2024 comme certains le souhaitaient, Christine Lagarde, présidente de l'institution, assure que la prochaine évolution des taux directeurs serait à la baisse.
Ce qui encourage les établissements prêteurs de la zone euro, notamment en France, à baisser davantage les taux d'intérêt des emprunts immobiliers.